ÉRIC NICOLETTA
Éric Nicoletta est un boxeur français né le 26 août 1960 à Sète. fils de Louis Nicoletta, coffreur dur à la tâche et dont la force d'Hercule faisait sensation, s'est vite frotté à cette vigueur âpre de la ville, à ses codes qui évoquent Marseille, en réduction. Il était renfermé, d'une timidité maladive, sillonnait longuement la cité dont il connaît les recoins, les rites et, face à ce père trop brusque, ne parvenait pas à s'exprimer, à relever la tête. «La boxe, j'y ai pensé très tôt, c'était comme un rêve, je sentais que, là, je pourrais enfin mûrir, dire quelque chose.» Il ne savait rien du passé pugilistique de Sète et cherchait seul à briser quelques verrous. Un jour, pour voir, il a débarqué à la salle, adolescent, et s'est entraîné, sans rien demander. Il a continué à bosser comme manoeuvre, s'est retrouvé boxeur scolaire à 14 ans, puis amateur parmi d'autres. «Personne n'a décelé mon potentiel, ma rage, et j'ai été un amateur médiocre, mais moi je continuais à y croire, j'avais tant de hargne; et puis je savais que c'était ma seule issue.»
A 22 ans, après avoir rencontré une touriste belge, il la suit chez elle, vers Mons, sur un coup de tête, et se retrouve dans la salle de Vincent Falzone, à Louvière, où il côtoie des sous-boxeurs qui essaient d'oublier là leur exil italien. Il est barman, manoeuvre, forain. Boxeur. Il se défonce lors de combats miteux contre des Turcs, des Zaïrois, des Algériens. Il y croit, s'accroche, court chaque matin et devient champion de Belgique des poids moyens. A Sète, on ne sait rien de tout ça. Pour ses copains d'enfance, Eric a mis les voiles, voilà tout; et ses lubies de boxe ont à coup sûr pris l'eau. Yvon Manna, patron du bar du Chaland, qui a côtoyé Eric à l'école, puis sur les quais, a longtemps douté: «Depuis toujours, il nous bassinait avec sa boxe, c'était quasiment une obsession, mais, nous, on ne le prenait pas trop au sérieux. Question bagarre, il avait du talent, sinon c'était un gars très noble, très droit. C'est un Sétois pur sang, rude avec un coeur énorme.»
Sétois. Fils de Calabrais qui, chaque dimanche, revient déguster la macaronade maternelle, traîne sur le quai de la Marine à l'arrivée des chalutiers, s'enflamme fin juillet lors des tournois de joute, bavarde avec ses anciens copains dockers reconvertis l'an dernier, avec lesquels il partage la nostalgie du port. Il aime les accents de cette ville, son air canaille, un peu dépenaillé où, par strates, des espingouins, des ritals, des pieds noirs, des beurs lui ont façonné une vraie trogne.
Quand il est rentré au bercail, il s'est embauché sur les quais, comme docker à la journée, ravi de se défouler dans les odeurs de mazout, de pinard ou de phosphate. Ses copains le trouvaient renfermé, soucieux, et tous croyaient qu'il avait laissé les gants une fois pour toutes. Lui, sans rien dire, a repris le chemin de la salle, s'est installé dans la garrigue, loin de tout et, quand Aldo Azarro, vieux routier des rings installé à Agde, s'est intéressé à lui, il s'est défoncé. «Je partais à Agde en 4L après le boulot, je savais que j'y arriverais. A ce moment-là, j'étais pas si loin de la folie, je n'avais plus de contact avec l'extérieur, il n'y avait que la boxe pour me sauver et, moi, j'étais un champion, pas un boxeur, un vrai champion, prêt à mourir ou à tuer. Tu vois, ça, je le savais. Tu dois faire corps avec la souffrance, tu dois te faire souffrir, même dans la relaxation ou dans les marais, quand tu cours et que tu es seul, toujours seul.»
Philippe Jardel, son ami, son frère, qui l'accompagne pas à pas depuis toujours, dans les bons et les mauvais jours, éperdu d'admiration pour ce boxeur des tréfonds, en est presque troublé. Eric ne l'a guère habitué à tant de mots. «Je suis fier d'être son ami, souffle-t-il, parce que jamais il n'a eu l'orgueil, jamais il n'a changé, qu'on le triomphe ou qu'on le déchire.»
Champion d'Europe des mi-lourds le 13 octobre 1989 à Sète, face au Hollandais Jean Lefeber, battu par arrêt de l'arbitre au dixième round. Conserve son titre à Perpignan le 26 janvier 1990 face au Hollandais Pedro van Raamsdonk (battu aux points) et à Montpellier, le 19 mai 1990, face au Belge José Seys par KO au 3e round. Après ce glorieux passé pugilistique durant lequel il a représenté les couleurs de la France dans l'hexagone et a l'étranger il s'est retiré des rings pour ouvrir une discothèque a Sète "La Bodega" et profite d'une vie heureuse auprès de sa famille.
Jacques MAIGNE
Palmarès d'Éric Nicoletta sur Boxrec